Assez étrangement, la photographie est un monde où les femmes sont rarement présentes. Nous connaissons tous le travail de Vivian Maier. Pourtant leur participation à la photographie remonte aux origines mêmes de la photographie . Plusieurs des premières femmes photographes, dont la plupart étaient de Grande-Bretagne ou de France, étaient mariées à des hommes pionniers en la matière ou avaient des relations étroites avec leurs familles.
C’est surtout dans le nord de l’Europe que les femmes ont commencé à faire de la photographie, ouvrant des studios au Danemark, en France, en Allemagne et en Suède à partir des années 1840, alors qu’en Grande-Bretagne les femmes de familles aisées ont développé la photographie pour en faire un art à la fin des années 1850. Ce n’est que dans les années 1890 que les premiers studios dirigés par des femmes ont été ouverts à New York.
Un blog dédié aux femmes photographes
Pour leur rendre justice et rétablir les faits, un blog dirigé par Nicole Struppert, présente quelques-unes des meilleures femmes photographes, notamment Juliette Mansour. Elle nous décrit sa démarche et ce qui l’a mené à devenir photographe.
Ses débuts et sa démarche artistique
Quand j’étais enfant, j’avais un appareil Kodak Instamatic qui me fascinait. L’art photographique a toujours été présent en moi. Mais mes forces résidaient dans l’écriture et sur les langues étrangères. J’ai dû rester à Atlanta pour des raisons familiales et j’ai fini par enseigner dans cette ville.
En 1998, ma carrière a pris un brusque tournant lorsque j’ai quitté l’enseignement et été invité à travailler temporairement pour un ami dans une agence publicitaire. Ce qui a commencé comme un contrat à court terme de 3 mois, a fini par être une carrière dans la conception web et le marketing. Cela m’a mené au travail graphique. Attisé par l’artiste visuel en moi, j’ai alors commencé à faire de la photo avec un vieil appareil Sony Mavica, et quelqu’un m’a dit que j’avais du potentiel.
J’ai commencé à couvrir des spectacles, des festivals, des publications en ligne, puis j’ai rejoint un groupe consacré à la photographie de rue. Selon moi, il y a aucun autre genre de photographie qui peut capturer autant d’éléments à la fois. Regardez les classiques comme Henri Cartier-Bresson et vous verrez comment il gérait ce qu’il a photographié, comme ce fameux «le moment décisif». C’est pour moi une sorte de marqueur qui me permet de geler l’émotion, l’histoire et la composition tout à la fois. Vous regardez les oeuvres d’un grand photographe et il y a une histoire; soit en raison de sa signification historique, soit en raison de l’endroit où elle a été prise et ce qu’elle signifie pour le spectateur.
Vous avez également l’émotion qui peut à la fois révéler la nature profonde des protagonistes dans une scène et provoquer une émotion chez le spectateur. Sans oublier la composition et le style de la photo (par exemple, le noir et blanc ou couleur, etc.) et le style de prise de vue. Tous ces éléments apportent à la photographie un équilibre s’associant au drame et au mystère. La photographie documentaire peut accomplir tout cela, mais la photographie de rue n’est pas déchirée par la guerre ou l’actualité. La photographie de rue est uniquement une représentation artistique sur la façon dont les gens vivent leur quotidien, et cela est fascinant.
Son projet « Reflections »
L’un de mes projets « Reflections », m’est venue à l’esprit lorsque j’étais avec mon groupe sur la photographie de rue. J’ai l’habitude d’utiliser à la fois le numérique et le film, mais cette journée-là, j’utilisais un appareil moyen format Yashica TLR, sans aucune véritable raison. J’ai alors aperçu mon reflet dans une vitrine. J’ai immédiatement pensé aux auto-portraits de Vivian Maier. Je me suis alors pris en photo. Lorsque j’ai développé le rouleau un peu plus tard, ce que j’ai vu était un mélange intéressant d’ombres et d’images qui se croisaient et se chevauchaient. C’était intéressant. Cela s’est produit en 2010 et je continue cette exploration depuis ce temps.
Lorsque je compose mes photos, j’attends le moment où tous les éléments convergeront afin de créer une histoire. Toutes mes photos portent en elles leurs propres petites histoires. Je ne fais jamais de la photographie sans une certaines motivation. Mes photos doivent raconter un moment de vie, une histoire, une rencontre ou plus simplement être construite de façon à attirer le regard des spectateurs. Lorsque vous faites ce genre de photo, le plus grand défi est l’éclairage, le timing et la composition et essayer d’attendre ce moment magique où tous ces éléments coopèrent et produisent une photo unique.
Vivian Maier : sa source d’inspiration
Ce désir de raconter des histoires, s’est manifesté en moi lorsque j’ai découvert le travail de Vivian Maier sur le site Web de John Maloof, qui commençait alors à être connu dans la communauté des photographes. Il y avait plusieurs photographes sur Flickr venant de partout dans le monde qui étaient impressionnés par son travail. J’ai alors décidé de tenir une journée mondiale à la mémoire de Vivian Maier, invitant les gens à prendre des photos dans le style de Maier. Ce qui était au départ un petit groupe de passionnées par le travail de cette femme, est devenu un groupe sur Facebook vers 2011 et maintenant nous sommes un petit groupe privé dédié à la photographie de rue classique. Nous apprenons tant de choses les uns des autres, nous partageons des défis et nous nous réunissons sur une base régulière.
Si j’avais la chance de faire un « photowalk » avec un célèbre photographe de rue, ce serait avec Vivian ou Henri. Je pense que leur travail est purement géniale, mais je préfère passer du temps avec Joel Meyerowitz. Ce n’est pas un égocentrique. Il est passionné par son travail et le présente d’une manière spontanée. Depuis ce temps, la photographie de rue est devenue une passion et Vivian Maier a joué un rôle important dans ma découverte de ce style de photos.
Au sujet de l’auteure
Juliette Mansour est une photographe de rue. Vous pouvez découvrir son travail en visitant son site internet.
crédit photo : Juliette Mansour / photo d’ouverture : Hôtel Clermont à Atlanta