Plusieurs photographes se demandent si les « mirrorless » disparaîtront dans les limbes du monde incroyablement complexe de la photographie. Depuis leur apparition, les hybrides ont mauvaise presse. Pour certains photographes ce ne sont que des jouets sans grand intérêt, alors que pour d’autres, ils sont le résultat d’une inévitable évolution.
Il m’arrive de discuter avec un ancien technicien sur le forum de CCM. Bien qu’il ne soit plus très jeune, celui-ci a adopté les hybrides d’emblée. Voici ce qu’il nous dit à leur sujet.
Quelques arguments en faveur des hybrides
Pour une raison très énigmatique, le reflex est devenu la référence (l’arme absolue du photographe) pourtant ceux qui ont suivi son évolution, de 1960 à 2000 disons, savent pertinemment que c’est l’appareil qui pose le plus de problèmes techniques aux ingénieurs.
Le miroir du Canon 5DS
1) le miroir mobile entraîne des vibrations qu’il faut minimiser au maximum (ressort,amortisseur…). D’autre part ces vibrations imposent de ne faire fonctionner l’obturateur que dans un laps de temps extrêmement précis : entre 2 vibrations successives dûes à la résonance des matériaux (qu’il est impossible d’annuler complètement) et non à la simple montée et descente du miroir. Ce qui ajoute encore à la difficulté.
Ce n’est pas en soi, un problème insurmontable, puisque de fait il a été surmonté, mais au prix d’une technologie fragile et coûteuse. De tous temps dans les appareils électroniques le point faible a toujours été la partie mécanique. Sur certains APN hybrides un miroir fixe semi-transparent remplace le miroir mobile.
2) Ce même miroir impose un tirage (distance entre la lentille arrière et le capteur) minimum. De 40mm pour un capteur 4/3, et plus de 50mm pour un plein format. Pour la construction des optiques de courte focale cela pose d’énormes problèmes, le trajet des rayons lumineux devient complexe et ces optiques ont une lentille frontale d’un diamètre considérable. Il est difficile d’en faire des optiques lumineuses. Le principe utilisé s’appelle le rétrofocus pour la simple raison que le plan focal est repoussé pour atteindre le capteur.
3) Pire ce tirage minimum rend la construction des longues focales (mais de dimension réduite) compliquée. L’objectif à miroir (catadioptre) a permis de pallier à ce problème. Tous les photographes n’en sont pas satisfaits : ils n’ont pas de diaphragme, le diamètre à luminosité égale, est plus important, le bokeh de forme annulaire laisse à désirer etc…
4) la visée optique : en faible lumière le micro prisme et plus encore le stigmomètre deviennent noirs, et sont difficilement utilisables pour la mise au point manuelle. La visée électronique est lumineuse quelque soit l’éclairage ambiant. Les résultats ne sont pas extraordinaires, en y mettant le prix la technologie est aujourd’hui capable de fournir une bonne image même en très basse lumière.
Si la visée optique est si agréable, pourquoi le liveview a-t-il contaminé toutes les marques, depuis son invention par Olympus? Et d’ailleurs qui fait encore de la mise au point manuelle? Quelques inititiés qui savent que l’autofocus ne leur rendra pas toujours le bon service.
5) L’autofocus qui utilise un miroir secondaire, et génère une lumière polarisée ne fait pas bon ménage avec les filtres polarisants. Là encore une pseudo solution a été trouvée avec le polarisant « circulaire » au lieu du polarisant « linéaire ». Néanmoins c’est une contrainte de plus.
6) L’obturateur électromécanique peut être désactivé ce qui rend l’APN Hybride absolument silencieux. Cette option n’aurait pas de sens sur un reflex dont le miroir est encore plus bruyant.
Enfin, la technologie de l’hybride rend les boîtiers plus compacts, moins lourds, moins fragiles, un certain nombre de petits désagréments techniques (filtres passe-bas, obturateur…) trouvent ou trouveront des solutions plus facilement sur les hybrides que sur le reflex.
Quelques arguments en faveur de l’EVF
A la conception du reflex , il y a plus de 50 ans, l’idée était bien sûr de faire en sorte que le photographe puisse voir « en direct » ce qui allait impressionner la pellicule. En réalité, nombre de reflex étaient loin d’atteindre ce but : le grossissement du viseur étant parfois très loin du facteur x1 et le miroir ne renvoyant quasiment jamais 100 % de l’image, sauf sur quelques rares « haut de gamme ». Cependant, la MaP et le choix de la profondeur de champ était grandement facilités.
Ci-dessous quelques exemples de dimension de viseur :
On peut voir que le grossissement d’un viseur électronique destiné à un petit capteur M4/3 dépasse celui d’un viseur optique d’un APN plein format. Ce qui est tout de même déjà un comble ! Mais passons…
1) Avec un reflex classique à miroir: lorsqu’on fait une correction d’exposition, la visée dans un reflex demeure toujours la même. On ne voit pas dans le viseur le résultat de la correction d’exposition. Avec un hybride, la visée reflète toujours le résultat que l’on va avoir. Et ça, pour moi, c’est devenu incontournable. Pendant la visée il suffit d’avoir le doigt sur la correction d’exposition et décaler l’expo jusqu’à obtenir le résultat voulu. On voit ce résultat dans le viseur avant le déclenchement. Adieu braketing d’exposition.
2) Avec un objectif peu ouvert : (ou pire avec un objectif ancien) la visée devient très sombre. Avec un hybride rien de tel, la visée est toujours très claire.
3) Le viseur électronique présente l’image numérique en « wysiwyg » comme disent les anglophones (What you see is what you get = ce que vous voyez est ce que vous obtenez) pour signifier que l’on peut voir l’image numérique en direct. Vous avez oublié ou mal réglé votre balance des blancs, pas de problème, votre viseur vous en informe immédiatement avec une dominante de couleur inhabituelle, et cerise sur le gâteau, l’image peut être soumise à un traitement complexe par le boîtier.
4) Pour la mise au point manuelle : en faible lumière, les micro-prismes et ou le stigmomètre sont difficilement utilisables (ils deviennent noirs). La visée électronique est lumineuse quelque soit l’éclairage ambiant.
5) Quel opérateur ne rêve pas d’avoir sous les yeux et à la demande (sans perdre de vue son cadrage) des infos comme les paramètres de prise de vue, niveau à bulle, quadrillage, histogramme, zones sur/sous exposées. L’EVF est même capable de montrer en surbrillance les zones de netteté (un must pour les obsédés du piqué).
6) Un autre argument en faveur de l’EVF : la qualité des optiques à courte focale.
Le miroir du reflex impose une distance minimale entre la lentille arrière et le capteur. Cette distance appelée tirage est supérieur à 50mm pour le plein format (proportionnelle pour les autres capteurs). En conséquence, la formule optique des courtes focales est plus compliquée. Il faut déplacer le plan focal, pour atteindre le capteur, les opticiens appellent cela le rétro focus. Cela nécessite des lentilles supplémentaires qui n’arrangent pas la qualité de l’optique, ni son poids ni son coût. Des problèmes analogues existent bien entendu pour les zooms.
Certains reflex Sony utilisent un miroir translucide fixe et un EVF : certes, ils n’y gagnent pas beaucoup concernant le problème évoqué précédemment ni en encombrement, mais au moins le bruit et les vibrations disparaissent. Seul le bruit de l’obturateur est encore audible. Certains hybrides opèrent même dans le silence absolu, l’obturateur électromécanique étant « débrayable ».
Avec le miroir translucide, la plus grande partie de la lumière est dirigée vers le capteur, et une petite partie est utilisée pour la MaP par détection de phase comme n’importe quel autre reflex, pendant que l’EVF transmet 100 % de l’image.
En conclusion
Ces explications démontrent que les « mirrorless » ne sont pas des appareils pour amateurs, et qu’ils possèdent des qualités que les reflex n’ont pas. Tout comme l’auteur, je reconnais à ces derniers plusieurs qualités, toutefois rejeter du revers de la main les hybrides est une erreur. Les hybrides existent depuis très peu de temps. 2016 sera l’occasion pour les fabricants de présenter de nouvelles moutures plus matures, se rapprochant encore plus des performances des reflex.