Le photographe du Sunday Times, Don McCullin a consacré sa vie professionnelle à couvrir des conflits dans le monde entier, notamment au Vietnam, au Cambodge, à Beyrouth, en Irak, au Biafra, au Congo belge, au Liban, en Afghanistan et au El Salvador.
S’exprimant à la foire Photo London art fair, où il fut nommé Maître Photographe, il a affirmé que la photographie du futur, celle dominée par le numérique, se transformait en « une expérience totalement mensongère », dont la fiabilité n’était plus assurée.
Cela ne signifie pas que McCullin croit que les appareils photo numériques ne sont pas utiles; il les utilise lui-même. Il croit plutôt qu’en raison de leur puissance (facilité d’utilisation, post-traitement, etc), les apn ont dévié la photographie de sa véritable mission.
Les appareils numériques sont extraordinaires. J’ai une chambre noire où je développe encore mes films, mais la photographie numérique peut devenir une expérience totalement mensongère, vous pouvez modifier ce que vous voulez… tout cela n’est vraiment pas fiable.
McCullin, est un photographe qui a principalement photographié en noir et blanc. Il dénonce surtout « le bricolage excessif » fait sur la couleur des photos :
Ces images en couleur donnent l’impression que quelqu’un a essayé de donner un nouveau look à une boîte de chocolats. En fin de compte, cela ne fonctionne pas, c’est tout simplement affreux.
Il désire particulièrement faire la distinction entre être un photographe, un photojournaliste et un artiste de l’image. Il nous dit :
J’ai toujours pensé que la photographie n’était pas vraiment une forme d’art, mais plutôt un moyen de communication et de transmission de l’information.
Parce que j’ai photographié des personnes en danger, des gens dans la douleur, des personnes qui devaient se faire exécuter, je trouve que c’est très difficile de demeurer dans une vision purement narrative de la photographie. J’ai réussi à conserver ma place en acceptant d’être simplement un photographe.
Derrière l’objectif
Malgré le rejet de McCullin de la manipulation numérique, il admet qu’en chambre noire celle-ci est fréquente depuis des décennies. Le numérique a tout simplement facilité le processus. Selon lui il y a d’autres moyens d’influer l’opinion publique. Cette photographie d’un soldat mort nord-vietnamien, lors de l’offensive du Tết, en février 1968, est l’une des images les plus célèbres de McCullin — et aussi l’une des plus controversées.
Au cours de la guerre du Vietnam, McCullin a vu deux soldats américains profaner un corps. Il a été choqué par le manque d’humanité de ces hommes soi-disant du « bon côté ».
Pour la première et dernière fois, McCullin a décidé de « réarranger la scène » pour rappeler aux gens que les soldats ennemis n’étaient pas des « objets », qu’ils étaient des personnes ayant des mères et des sœurs, comme tout le monde. McCullin savait que c’était une violation grave du devoir journalistique, et n’a jamais tenté de garder le secret.
C’est la seule et unique fois que j’ai fait cela. Beaucoup de gens me demandent si j’ai honte de l’avoir fait. Je leur réponds; Oui, je l’ai fait. Il ne pouvait pas parler. J’ai parlé pour lui.
Au final, son intervention lors de la foire de la photographie à Londre, était plutôt un crie du coeur d’un photojournaliste qui croit en la mission de ces hommes et ces femmes qui mettent en péril leurs vies pour nous informer, plutôt qu’un jugement définitif contre le numérique, puisqu’il a toujours été possible de manipuler la réalité; que ce soit en post-traitant les photos, ou en modifiant la scène lors de la prise de vue.
crédit photo : Don McCullin