Quel plaisir de partir en voyage pour un photographe et découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles coutumes, de nouvelles façons de vivre. Cela peut être un excellent moyen de découvrir de nouveaux endroits sur la planète ou de nouvelles cultures. Cette expérience est très souvent enrichissante d’un point de vue personnel. Car se limiter à son propre pays et sa culture, peut devenir un obstacle à notre développement personnel.
Toutefois, les photographes voyageurs font souvent face à des différences culturelles auxquelles ils ne s’y attendaient pas. Se retrouver dans un lieu reculé de la planète où les gens n’ont qu’une faible pitance pour survivre peut être un choc pour nous occidentaux, qui avons l’habitude de vivre dans l’opulence sans que nous nous en rendions compte.
Les dangers du « néocolonialisme »
C’est lorsque nous nous retrouvons dans l’un de ces pays « pauvres » que nous pouvons réellement mesurer les différences qui nous séparent des autres pays en voie de développement. Une des erreurs les plus communes que font ces photographes adeptes des grands espaces, est de prendre en photo un quidam assis au coin d’une rue et croire qu’ils viennent de faire la photographie de leur vie. Mais cette personne, bien souvent, réussi à survivre de peine et de misère. Oui, c’est souvent une chance inespérée pour tous ces photographes voyageurs de prendre en photo des mœurs et des modes de vie que nous ne connaissons pas, mais c’est aussi l’occasion de mesurer la misère de ces gens.
la photographie est un mode d’expression créatif merveilleux. Par lui, nous pouvons redécouvrir le monde et voir ce que les autres ne voient plus, bousculés par une vie moderne frénétique où la vitesse a pris le dessus sur la qualité des échanges interpersonnels. Mais qu’en est-il de la photo dans ces pays lointains ? Que représente-t-elle vraiment pour ces gens ? Peu de photographes se posent ces questions, trop pressés d’obtenir l’image parfaite; celle qui nous montrera des mœurs qui semblent sortir d’un autre monde.
Se justifier en mentant sur nos motivations
Certains photographes préfèrent se réfugier derrière l’ethnographie pour justifier leur démarche. Pourtant, en analysant bien leurs photos, ils adoptent plutôt un angle « néocolonialiste ». Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? C’est assez simple; ils se retrouvent devant des gens sans un centime et prennent des photos « folkloriques » en prétextant documenter des modes de vie en voie de disparition, alors qu’en réalité ils prennent en photo des êtres humains meurtrient par la vie!
Grâce à Facebook, j’ai lu des messages d’utilisateurs qui étaient en colère par la rhétorique utilisée par ces photographes pour décrire leur travail, le considérant, sans en être conscient, représentatif de mode vie « intrigant », alors qu’en fait ce qu’ils font est une forme subtile de néocolonialisme dans sa plus pire définition. L’homme blanc prenant en photo l’homme noir; n’est-ce pas là le summum de la grossièreté !
Personnellement, je suis mal à l’aise et ambivalent avec ces photographies, parce qu’elles sont supposées montrer la vie de ces gens, alors qu’en réalité ce sont des photos montrant des être humains dans la misère et qui peinent à suivre! Nous n’avons qu’à penser à Steve McCurry en Inde ou à Annie Leibowitz qui fait une tonne d’argent en photographiant ces « endroits exotiques ». Nous pouvons nous poser des questions quant à l’éthique de ces photographes et se demander si certains de leurs revenus sont générés par la vente de livres de ces « communautés indigènes ». Car ne nous laissons pas berner, très peu de ces photographes se sont déjà posés ce genre de questions.
Savoir se poser les bonnes questions
Oui, bien sûr, nous avons le droit d’admirer ces photos, certaines sont très bien faites, d’autres un peu moins, alors que d’autres sont tout à fait horribles, non d’un point de vue technique, mais de par l’intrusion qu’elles constituent envers ces gens. Avant de prendre vos photos, posez-vous cette question : Est-ce que je photographierais ces communautés de la même façon si elles me ressembleraient? La réponse à cette question est évidente. Le néocolonialisme peut revêtir toutes sortes de formes. La plus laide est la plus dénigrante est celle venant de supposés artistes de l’image qui ne se gênent pas pour faire leurs photos, alors que bien souvent ils trimballent avec eux un matos valant des milliers d’euros; une somme d’argent que ces personnes ne feront probablement jamais dans toutes leurs vies !
La photographie de voyage peut être une expérience enrichissante. Par exemple le magazine National Geographic documente en outre le mode de vie de peuples menacés par les excès de la modernité. Mais si vous prenez vos photos, sans vous soucier de la situation socio-économique de ces peuples, vous ne faites plus de l’art, vous exploitez la misère humaine. Vous vous mentez à vous-même, en plus de mentir à ces pauvres gens ! Imaginez un instant le contraire; des gens de l’Inde qui viendraient vous prendre en photo comme si vous étiez des animaux dans un cirque ! Ce ne serait plus de la photo, mais plutôt une forme de néocolonialisme, sous le couvert de l’art photographique !
Les pseudo-professionnels de l’image
Je connais de nombreux photographes « professionnels » qui aiment voyager dans ces contrées lointaines. La plupart du temps ce que je vois ce sont des photos de pauvres gens assis dans le coin d’une rue, espérant avoir quelques centimes de ces pseudo-photographes. C’est la raison pour la laquelle je vous mets en garde de ne pas tomber dans le panneau de ces « professionnels » de l’image, dont le but n’est pas de documenter la vie de peuples menacés par la culture occidentale, mais par le désir plus ou moins inconscient de faire de « bonnes photos » et ce, sans se soucier de la situation précaire de ces peuples et cultures. Certains rétorqueront : » Non, pas moi ! » Soyez honnête avec vous-même, et vous découvrirez que vos véritables motivations ne sont peut-être pas celles que vous croyiez !
Au sujet de l’auteur
Tewfic El-Sawy est un photographe indépendant basé à New York spécialisé dans la documentation des cultures menacées et des modes de vie traditionnels en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Ses photos et ses articles ont été publiés dans divers magazines. Vous pouvez découvrir son travail en visitant son site internet.
5 Responses
Bonjour,
Je comprends et partage le point de vue de l’auteur, pour ma part je ne photographie personne lors de mes voyages, d’autant plus dans des pays « pauvres ».
Mais après un tour sur le site de l’auteur je ne vois pas dans quelle « catégorie » il se place ? Ne fait-il pas parti de ces « pseudo-photographes » néocolonialistes ? Ou le simple fait de « se poser » les bonnes questions le dédouanes ? J’avoue ne pas trop comprendre le but de son article…
Si quelqu’un peut m’éclairer.
Il l’explique sur son site, mais malheureusement c’est en anglais. Il dit essentiellement que ce qui le motive ce n’est pas d’exploiter ces gens, mais de « préserver » des modes de vie en voie de disparition, alors que plusieurs photographes recherchent l’exotisme sans se soucier du respect de la vie de ces gens. La motivation n’est pas la même et le but n’est pas de faire de l’argent. Pour ma part, je partage son approche plus respectueuse et moins « mercantile ».
Je suis tout à fait d’accord sur le principe, mais honnêtement la frontière est mince…
Encore un photographe BOBO socialo pseudo écolo. Y en raz le bol de ces donneurs de leçons. Je suis comme Jay. Je ne comprends pas le sens de cet article.
C’est une façon d’interpréter cet article. Pourtant je connais des photographes qui agissent comme le décrit cet homme.