Nous discutons presque toujours de la composition et de l’encadrement pour mettre en évidence des éléments dans une photo. Je ne pense pas que ce soit correct ou précis. L’acte de composition est en fait le contraire. Et cela peut produire des améliorations surprenantes. Voici pourquoi.
S’il y a trop d’éléments dans une photo, l’oeil du spectateur ne saura pas ce qu’il faut regarder. Laissez-moi moi vous expliquer cela avec plus de précision. Il existe trois façons de faire une photo: pointer un appareil photo sur un sujet, s’assurer que le sujet se trouve dans le cadre, puis appuyez sur le bouton sans autre considération. La deuxième façon c’est lorsque le photographe commence par le sujet et ensuite le cadre pour s’assurer que les objets environnants sont disposés correctement autour du sujet de manière à être esthétiquement agréables. Ils peuvent ou non prendre en considération la relation implicite entre le sujet principal et tout le reste. Enfin, nous avons la méthode que j’utilise: une exclusion / inclusion. Je commence aussi par le sujet principal, mais c’est là que la similitude se termine.
L’inclusion et l’exclusion
J’examine la scène environnante pour voir ce qui peut être supprimé. L’intention est d’avoir des sujets / objets secondaires absolument nécessaires pour raconter l’histoire ou contextualiser mon sujet principal. Moins il y aura de distractions autour de votre sujet principal, plus votre attention sera portée sur lui. S’il n’y a rien pour vous distraire, vous aurez tendance non seulement à porter plus facilement votre attention sur le sujet principal plus rapidement, mais aussi il attirera l’attention plus rapidement. De plus, parce que les préférences esthétiques sont subjectives, il est nécessaire d’avoir une ambiguïté contrôlée dans une image. Cela ne veut pas dire que la signification générale ne sera pas claire, mais juste assez pour que le spectateur dispose d’une latitude suffisante pour interpréter votre photo. Ceci est particulièrement important si le contenu de votre photo est plus artistique que factuel, parce que votre photo permettra au spectateur de penser plutôt que comprendre.
La façon la plus simple de comprendre cette forme de composition, est de comparer un livre et un film: le livre sera inévitablement sujet à une interprétation, non seulement parce que certains détails auront été laissés de côté, mais aussi parce que le film est une vision plus rigide et définie de la réalité. Si j’écris «c’était une journée froide et sombre», les lecteurs imagineront une scène qui sera différente selon le lecteur, parce que les mots sont moins précis qu’une image. Un arbre est un arbre et une journée froide et sombre est une journée froide et sombre. Mais si j’écris « une journée froide et sombre sous la neige », vous ne le saurez pas tant que je ne l’aurai pas écrit. Alors que si dans mon film je montre une scène dans laquelle se trouve un sujet marchant sous la neige et qu’il fait froid et c’est une journée sombre, vous n’avez pas à interpréter cette image; vous ne pouvez que la « constater ». C’est le cas dans la photo ci-dessus. Le spectateur ne peut pas l’interpréter, il ne peut que constater. La subjectivité et la mémoire visuelle sont également des facteurs perturbateurs; voici comment.
La « mémoire visuelle »
J’ai souvent mentionné que la photographie ressemblait à un discours plutôt qu’à toute autre forme de communication car il y a toujours une place à l’interprétation – surtout comme je l’ai mentionné si votre photo est artistique plus que factuelle. Mais même si elle est factuelle, elle doit s’appuyer sur la «mémoire visuelle» subconsciente humaine commune (par exemple, notre capacité à reconnaître certaines formes). De plus, le message est transmis en quelques secondes. Le spectateur ne peut donc plus interagir avec la photo, il a besoin d’une clarification pour la comprendre; c’est que nous appelons une interprétation. Donc une photo, bien qu’elle ressemble à un film (une image), elle doit être contextualisée / composée. Dans l’image ci-dessous, ce n’est pas qu’une simple plage, les arbres – les sujets secondaires- contextualisent cette image. Nous savons donc que cette plage se trouve dans un pays chaud. De plus, si le photographe qui a pris cette photo ne montre que les silhouettes de ces arbres, nous savons qu’il était tard au moment de la prise de vue.
La nécessité d’une certaine latitude dans l’interprétation ainsi que la nécessité d’une clarification se traduiront par une composition. Cela signifie qu’une bonne photographie n’a tout simplement pas de place pour des éléments extérieurs et des distractions interviennet. Il s’agit en fait de minimaliser au maximum toute forme d’interprétation en composant correctement votre photo. Souvent, les images les plus touchantes ont résisté à l’épreuve du temps car il y avait peu de distractions pour interpréter ces images. Toute notre attention étant portée sur le sujet principal. Tous les autres éléments deviennent secondaires et nous aidaient à contextualiser le sujet principal et non à l’interpréter subjectivement; bien que cela soit dans un sens inévitable puisque nous n’expérimentons pas les mêmes événements. Votre photo doit être « immersive » et moins « subjective’ – quand cela est possible – et les détails doivent être absolument nécessaires pour fournir cette expérience qui change selon les gens, mais sans jamais les déranger au point de détourner le message de votre image.
Un premier exemple
Dans l’image ci-dessous, le photographe a minimalisé l’interprétation en nous montrant un homme tenant la main de la future mariée. Même dans 30 ans, nous comprendrons ce que signifie cette photo. De plus, il a supprimé les distractions qui ne sont pas nécessaires à la compréhension de cette image. Ce n’est que subjectivement que nous pouvons affirmer si cette photo est bonne on non. Factuellement, la règle d’inclusion / exclusion a été correctement appliquée.
Ces distractions peuvent prendre plusieurs formes – attirant involontairement l’attention sur elles; comme des éléments incongrus ou une discontinuité qui n’appartient pas à l’histoire ou qui crée un certain degré de confusion. Notez que pour qu’un élément puisse être une distraction, il doit donner l’impression d’être hors de propos et ne faisait pas partie du message.
L’encadrement
Notre travail en tant que photographes est donc d’exclure et d’inclure. L’acte même de l’encadrement est une forme d’exclusion et d’inclusion. Le viseur nous permet d’exclure ou d’inclure des morceaux du monde que nous ne voulons voir ou que nous ne voulons pas montrer. Par cette logique, nous pouvons décider si des éléments peuvent servir à renforcer notre message ou à l’améliorer en équilibrant notre composition. Plusieurs photographes ne parviennent pas à produire de bonnes photos parce qu’ils ne savent pas comment inclure / exclure. Pourtant c’est une règle qui est vieille comme le monde, car nous l’appliquons tous inconsciemment. Combien de fois ai-je entendu: « je n’avais pas remarqué », ou « je ne sais pas, je n’ai pas porté attention ». À la base nous devons simplement savoir comment créer des ancres qui à la fois ne nuiront pas à vos sujets principaux, mais qui le contextualiseront sans que le spectateur ait à faire trop d’efforts. Sinon, votre photo sera rejetée consciemment ou inconsciemment; c’est que les gens appellent une mauvaise photo, bien qu’en réalité il s’agisse d’un jugement purement subjectif.
Un autre exemple
La photo ci-dessous est intéressante pour plusieurs raisons. Si nous prenons le temps de l’analyser, que nous révèle-t-elle ? Un sujet au milieu d’une rue. Mais que fait-il là ? Il danse ? Il a peut-être perdu l’équilibre ? En fait, cette image n’est pas correctement contextualisée malgré le fait que nous puissions voir que le sujet principal porte un casque d’écoute, car il faut bien observer cette image pour découvrir ce détail. Ce photographe n’a pas su inclure ou exclure « simplement » toute l’information dont nous avons besoin pour « comprendre » cette photo. À moins bien sûr qu’il ait fait cela intentionnellement. Nous pourrions alors qualifier cette photo « d’artistique », plus que factuelle, bien qu’elle ne corresponde pas parfaitement à la définition d’une image artistique.
Conclusion
En résumé, vous devez apprendre à exclure / inclure lors de la composition; c’est la façon la plus simple de faire une bonne photo. Il y en a bien d’autres, comme la qualité de la lumière, les jeux d’ombres et de lumière, les contrastes, la netteté ou cette fameuse règle des tiers qui est enseignée ad nauseam, qui est en fait une mécanique plus qu’un art. Mais malgré tout cela, si vous ne savez pas ce qu’il faut inclure / exclure, vous ne produirez jamais de bonnes photos. Cette règle peut paraître comme étant une évidence, mais plusieurs photographes ne la connaissent pas, ou l’appliquent de façon inconsciente. Il est toujours préférable en photographie de savoir ce que vous faites et pourquoi vous le faites. Ainsi vous produirez de meilleures photos plus rapidement et surtout plus facilement.
Au sujet de l’auteur
Ming Thien est un photographe qui a une formation en physique de l’Université d’Oxford en Angleterre. Il travaille également pour Hasselblad. Vous pouvez découvrir son travail en visitant sa page Facebook, ou sur Flickr.
Une réponse
Un article très intéressant