Le 14 juillet dernier, des criminels se sont introduits dans le condominium d’Outremont – un quartier de Montréal – de Jacques Nadeau. Il croit connaître les gens qui lui ont volé plus de 100 000 photos.
Ils l’ont fait par pure vengeance et pour se bâtir une collection personnelle. Ces gens-là, ce sont des gens vides à l’intérieur. Ils se font un plaisir personnel de s’approprier le bien des autres.
Selon lui, les voleurs n’ont pas l’intention de vendre ses photos parce qu’ils ont déjà suffisamment d’argent. Peu de temps après, il a miraculeusement réussi à retrouver le tiers des photos qui lui avaient été volées en ressortant des CD, des disquettes, des clés USB et de vieux négatifs. Pour se venger à son tour, le photographe a publié un livre ce mois-ci, le troisième de sa carrière, dans lequel on peut consulter 320 photos retrouvées. L’ouvrage est intitulé « Photos retrouvées ».
Une phobie des gens
Publier ce livre est aussi une façon pour Jacques Nadeau de se remémorer à quel point il a dû travailler fort pour devenir photojournaliste. Son métier l’a amené à rencontrer des milliers de personnes dans le monde entier. Pourtant, quand il était plus jeune, il avait peur des gens. Il était pratiquement agoraphobe. Encore aujourd’hui, l’homme qui cumule 42 ans d’expérience travaille sur cet aspect de lui-même.
Je fais confiance à personne, j’ai beaucoup de difficulté à faire confiance. Je suis vraiment pas normal.
Enfant, il n’aimait pas l’école. Il avait hâte d’arriver chez lui pour s’enfermer dans une pièce et éteindre toutes les lumières. Il se sentait bien quand il était dans le noir. D’ailleurs, à 62 ans, ça lui arrive encore à l’occasion. Aujourd’hui, il a une relation d’amour-haine avec les gens. Il a besoin d’eux, mais parfois il les craint.
Mon métier, ce n’est pas uniquement d’appuyer sur le déclencheur, c’est beaucoup les rencontres que je fais. Mon métier m’a forcé à faire un effort incroyable pour aller voir les gens que je ne connais pas.
Jacques Nadeau a commencé la photographie en 1973, à l’âge de 18 ans. Cet autodidacte était loin de se douter que c’était le début d’une très longue carrière.
« Son talent consiste à saisir l’âme d’un événement et celle des personnes qui en sont le centre » , estime Bernard Descôteaux, le directeur du journal Le Devoir. « Dans ses photos, le regard, les yeux des personnages photographiés sont très souvent le point focal. Cela lui est possible parce qu’il est un être d’une grande sensibilité. »
la toxicomanie pour oublier
À 33 ans, en 1986, le photographe a commencé à consommer de la cocaïne de façon abusive. Chaque fois, c’était comme s’il prenait une pause de son anxiété. Quatre ans plus tard, il a pratiquement arrêté, mais a tout de même eu quelques rechutes.
Une rechute, ça consiste à défoncer des murs qui te font peur. Bien souvent, ce ne sont pas des défis matériels, mais beaucoup plus psychologiques.
Adolescent, il savait qu’il n’aurait pas une vie ennuyante. Il a souvent priorisé sa carrière, au détriment de sa vie amoureuse. Les relations affectives sont complexes pour lui parce que peu de femmes comprennent son mode de vie.
Il travaille six jours par semaine et n’a pas d’horaire établi. Malgré tout, Jacques Nadeau considère qu’il n’a jamais travaillé une minute de sa vie. Pour découvrir le travail de Jacques Nadeau, vous pouvez consulter son site internet.
source : lejournaldemontréal
crédit photo : Frédérique Giguère