Nous vivons dans une époque étrange. Depuis que le numérique existe, nous avons accès à des appareils qui produisent de très bonnes photos. Il n’est pas nécessaire de connaître les bases de la photo; un appareil peut le faire à notre place. Nous n’avons plus à passer des heures dans un labo pour développer nos images; Lightroom est là et le fera pour nous. Tout ce qui distinguait un amateur avancé d’un photographe professionnel a été réduit à néant. Le plus important ce ne sont plus les connaissances du processus photographique dans leurs intégralités, mais de posséder le nouveau boîtier doté d’une multitude de fonctionnalités plus ou moins utiles. En parti cela est une bonne chose car le numérique a permis de démocratiser cette forme d’art. Mais d’un autre côté, nous observons qu’il y a de plus en plus de photographes « professionnels autoproclamés ».
Ces individus croient savoir, alors qu’en réalité, ils perpétuent des idées / concepts dépassées. mais le plus effarants c’est qu’ils n’ont même pas conscience de ce qu’ils font. Ces individus sont faciles à reconnaître; ils sont souvent intransigeants et imbus d’eux-mêmes. Ces étranges individus nuisent à la photographie comme aucune autre personne oserait le faire. Pourquoi ? Parce qu’ils savent évidemment ! Voici ce qui distingue un amateur d’un professionnel. Avant de débuter vous remarquerez que je propose (une définition) et n’impose jamais. Vous pouvez être d’accord avec certaines qualités ou la rejeter.
Les qualités d’un photographe professionnel
Le plus souvent demandée, mais rarement répondue est la question de ce qui fait une bonne photo. Rarement, voire jamais demandé, « Qu’est-ce qu’un bon photographe professionnel ? » En premier lieu, est-ce important ? Je pense que la réponse est oui, à la fois en raison de l’importance de l’auto-évaluation dans le grand schéma de la vie si vous voulez vous améliorez continuellement en tant qu’être humain créateur, et parce que nous pouvons tous bénéficier d’un objectif à viser. De toute évidence, la réponse à cette question dépendra beaucoup du type de photographe que vous voulez être. Être tenace ou impudent pourra vous servir comme paparazzi, mais cela va presque vous ruiner si vous faites de la photographie boudoir.
1. La curiosité. Fondamentalement, la photographie consiste à transmettre une vision d’une manière qui peut être appréciée par un observateur. Les meilleures photographes ont tendance à avoir une vision originale et / ou inhabituelle qui diffère de la norme. Pour voir cela en premier lieu, les photographes doivent avoir les moyens de s’arrêter et de regarder. Ils doivent être prêts – du moins inconsciemment – à se demander pourquoi les choses sont toujours vues d’une certaine manière, et s’il existe d’autres moyens de voir la même chose qui pourrait être intéressant. Ils devraient être ouvert à explorer d’autres styles, sujets et méthodes de la photographie. L’inspiration peut venir de n’importe où.
2, Une conscience accrue de la qualité de la lumière. S’il n’y a pas de lumière, il n’y a pas de photo; c’est si simple. L’un de mes plus grands changements créatifs – et les améliorations ultérieures de ma photographie – est venue lorsque j’ai commencé à chercher la lumière plutôt que des sujets. Trouver la bonne lumière et laisser les sujets venir à vous. Maintenant, cela ne me dérange pas de sortir mon boîtier si la lumière est plate. Au lieu de cela, je me fais une note mentale pour revenir plus tard au bon moment de la journée. Curieusement, je fais parfois des attaques d’anxiété quand je vois une lumière fantastique, mais que je ne sais pas quoi faire avec ça. La qualité de la lumière, savoir la reconnaître, est donc une qualité primordiale.
3. Une observabilité élevée. Il est important de garder les yeux ouverts. Vous ne savez jamais d’où pourrait venir votre prochain projet. Bien que tous mes travaux de photographie commerciale – et de produits en général – soient organisés, une bonne partie de mon portfolio personnel – y compris les reportages, les portraits et, dans une certaine mesure, l’architecture – est tout à fait spontanée. La faible observabilité est la possibilité d’obtenir une photo sans être remarqué ou attirer l’attention sur soi. Cela est particulièrement important pour toutes sortes de travail où l’interférence avec la scène va certainement changer le résultat de l’image. Savoir disparaître pour laisser toute la place à une scène, est une autre qualité d’un professionnel.
4. La préparation et la capacité de travailler rapidement. Ici il faut faire la différence entre le mouvement de l’appareil photo de la précipitation qu’engendre la nervosité ou respirer calmement et déclencher. Travailler rapidement signifie ne pas manquer le moment – même dans des situations avec des sujets relativement statiques, comme les arbres et les montagnes dans un paysage, vous devez toujours vous déplacer rapidement. Si vous prenez trop votre temps, la lumière changera et ce moment disparaîtra très rapidement.
5. La capacité à donner une forme constitutive à une scène. Cette qualité est un peu plus difficile à expliquer et moins évidente. Il s’agit de l’équilibre de la composition: si vous pouvez découper dans votre esprit votre sujet et le voir comme une série de formes géométriques, il vous sera beaucoup plus facile d’équilibrer nativement ces formes dans une composition et de veiller à ce que tous aient suffisamment d’espace pour être mis en évidence ou encadrés par l’espace vide voisin, ainsi que suffisamment isolés des autres éléments – c’est-à-dire sujets secondaires – dans la composition. Cela s’applique si vous avez affaire à une nature morte qui est un assortiment aléatoire de formes, à une architecture minimaliste qui est très souvent constituée de formes géométriques simples sur un fond relativement simple ou un portrait qui peut être comparé à un cercle placé dans un carré ou un trapèze, avec certains autres formes rectangulaires qui sortent du trapèze.
6. Une bonne discipline. Je ne peux pas imaginer quelque chose de plus frustrant que de prendre en photo un moment important, mais dont l’exposition ou l’appareil n’est pas bien stabilisé pour avoir une photo nette. Si j’ai les deux, c’est encore pire. La seule façon de parvenir à avoir une photo qui sera nette – sans avoir sous la main un trépied qui ne se transporte pas facilement – est la pratique, la pratique et encore plus de pratique. Les bonnes habitudes de prise de vue devraient devenir une seconde nature. La stabilité et la minimisation des secousses devraient être très élevées dans la liste des priorités. La mise au point et l’exposition appropriées devraient l’être également. Si vous avez les mains maladroites ou que vous n’avez pas de trépied; le retardateur et le verrouillage du miroir peuvent vous aider, tout comme divers systèmes ou stabilisateurs de certains objectifs. Les volets globaux, les stabilisateurs et l’armature d’un boitier, placés sur votre visage peuvent dans bien des cas être suffisant pour que votre photo soit nette.
6. Une certaine connaissance de l’art classique. Les peintres de l’ancienne école ont non seulement eu beaucoup de temps pour perfectionner leur métier. Cela leur a donné la liberté d’observer et de pratiquer. Combien de photographes prennent des décisions conscientes sur leur utilisation de la couleur pour créer des émotions ? Ou contrôler l’éclairage à un niveau de précision suffisant de telle sorte que toutes les parties de l’image soient éclairées comme ils le souhaitent et avoir recours à un post-traitement ? Les limitations technologiques les ont obligés à penser: en n’ayant aucun moyen facile de reproduire parfaitement la réalité, ils ont été forcés de comprendre et de le déconstruire dans un processus de recréation ce qu’ils avaient appris. De nos jours, nous avons la technologie mais plusieurs photographes n’ont pas de connaissances. Ils ne sont pas obligés de penser, puis de reconstruire. Ils suivent des cours théoriques sur les principes de base de la photo, mais ils sont limités sur le plan de leurs connaissances. Pourquoi est important ? Parce que ces connaissances permettent de comprendre un contexte, une situation. Cela permet de « faire une photo », et non seulement de « prendre une photo ». Ces connaissances sont essentielles si vous voulez devenir un professionnel. C’est rarement expliqué, mais souvent oublié.
7. Une bonne compréhension de son propre style. Jouez avec vos forces est très important, mais d’abord, vous devez comprendre ce que sont vos forces et vos préférences et il n’y a aucun moyen de devenir un professionnel en photographie sans savoir ce que vous aimez et pourquoi vous l’aimez. Si vous persistez à faire un genre de photos qui ne convient pas votre style, vous serez rapidement déçu de vos photographies car vous vous retrouverez – par exemple – à copier le style d’un de vos photographes préférés alors que son style n’est pas le vôtre.
8. La capacité de créer de la lumière si c’est nécessaire. Nous abordons maintenant un aspect de la photo qui fait vraiment la différence entre un amateur passionné et un professionnel. Pour faire une bonne photo, il faut avoir une bonne lumière. Pour trouver une bonne lumière, vous devez être observateur. Vous devez avoir les compétences nécessaires pour la voir sans avoir recours à des techniques ou à de l’équipement. Mais il y a des moments où vous ne pouvez pas trouver la lumière que vous voulez, ou vous avez à l’esprit et qui n’existe pas naturellement. La seule solution est d’avoir un pouvoir sur la lumière. ce n’est pas une blague. Un professionnel saura produire sa lumière. Ce n’est pas simple, mais il y a suffisamment de tutoriels sur internet pour découvrir comment obtenir la lumière dont vous avez besoin, puis de l’adapter à votre photo lorsque la nécessité se présente.
9. Une ouverture d’esprit. Pour devenir un bon photographe, vous devez connaître vos limites et être prêt à apprendre et à découvrir même si vous faites de la photo depuis des dizaines d’années. Les gens dont l’esprit est trop rigide n’accepteront pas d’apprendre; ils préféreront miser sur leurs connaissances pour produire une photo. Cela ne fera pas d’eux de mauvais photographes, mais ils se limiteront en se fiant à ce qu’ils savent. Avoir un esprit ouvert veut également dire être prêt à changer son flux de travail si l’ancien ne correspond plus aux nouvelles technologies.
Un exemple. On me demande souvent ce que je pense d’un EVF et d’un OVF. Dans certains cas un EVF sera plus efficace et moins limité qu’un OVF. Dans d’autres cas rien ne pourra remplacer un OVF. Je garde l’esprit ouvert parce que je sais que je ne sais pas tout. Je suis libre de découvrir sans me cantonner dans une vision de la photo qui ressemblerait à une suite de dogmes. Un professionnel sait reconnaître ses limites et sait quand il doit les changer. Par exemple je travaille pour Hasselblad depuis quelques mois; je ne dis jamais que leurs appareils moyen format sont parfaits et sans défaut. Pour mon travail, j’utilise autant un MF qu’un plein format et même parfois un APS-C. Ce qui est important pour moi ce n’est pas l’appareil, une marque ou un type d’objectifs; mais les résultats. Si vous rencontrez un photographe qui croit tout savoir, c’est un être qui n’a pas une ouverture d’esprit suffisamment développée pour prétendre au titre de professionnel de la photographie.
Au sujet de l’auteur
Ming Thien est un photographe professionnel de produits. Il détient un diplôme en physique de l’université d’Oxford en Angleterre. Vous pouvez découvrir son travail en visitant sa page Facebook ou Instagram.
9 Responses
Je pense que tous ces photographes sont arrêtés à un style de mode de photo mais la photographie regroupe tellement de choses différentes, entre le photographe sportif, de nature morte, de packaging, de portraits, de photos industrielles, etc… que souvent certains photographes s’arrêtent à la photo artistique, alors que le domaine est bien plus vaste…
Pour ma part, le photographe pro est celui qui gagne sa vie en faisant son métier basé sur l’image, l’amateur peut-être aussi bon voir meilleur qu’un pro dans certain cas, mais il reste amateur passionné et il a souvent un métier à côté…
Je suis assez d’accord avec properso, de nos jours l’appareil photo est juste un outil. et la discipline regorge de possibilités fantastiques.
mais non ! l’égo surdimensionné de la plupart des photographes les poussera à tourner en rond et se limiter à de l’art de rue ou de la photo de mode/boudoir. je sais que cela peut flatter l’égo d’afficher des photos de jolies créatures dénudées dans des endroits abandonnés (la grande mode sur mon groupe Facebook) mais il y a tellement d’autres chemins à explorer que cela devient lassant de voir toujours la même chose.
Je dis souvent que la photo c’est comme la cuisine, et que le meilleur des pâtissier ne saura peut être pas faire une bonne pizza… et il s’en moque surement d’ailleurs…
Ce problème de grosse tête/chevilles à tendance à isoler les photographes chacun de leur coté et nuit au partage et par conséquent à l’apprentissage.
Je rejoins l’idée qu’un photographe pro est celui qui fait commerce de son travail. ni plus ni moins.
J’aime beaucoup la photo de paysage & macro mais je suis mauvais pour prendre les gens en photo. Par contre je signe des contrats pour des photos de pièces mécaniques et je suis donc « pro »,
Je suis donc un pro qui ne sais pas prendre les gens en photo. Ah me*de ! , cela ne m’empêche pas de dormir et je n’ai pas peur de le dire… le « pro » qui maitrise qu’un sujet en particulier mais qui croit pouvoir donner des leçons sur le reste parce qu’il est « pro » me fais juste marrer… tout comme le passionné qui cherche à tout prix la reconnaissance.
Je suis à 100% d’accord avec vous.
Je suis d’accord avec vous; le fait d’être un « professionnel », concrètement c’est une formule assez nébuleuse.
Ce qui est dommage, c’est que « pro » ne veut plus rien dire et s’est instauré dans l’inconscient collectif comme synonyme de « top qualité ». à un tel point que cela ne veut plus rien dire.
La tronçonneuse de chez Lidl Parkside Pro cut, (parce que le jardinier professionnel achète sa tronçonneuse à 99€ chez Lidl peut être ??), la carte graphique Radeon X machin Pro,
et c’est la même rengaine en ce qui concerne le matos photo avec tout un tas de suffixes Pro et compagnie… c’est certain qu’a la longue, « pro » n’a plus de sens à part s’auto convaincre qu’on a acheté le meilleur matos. car les pros l’utilisent…
Dans mon travail de tous les jours, je bosse avec du matériel pro (machines électroportatives etc…) et il est nullement mentionné « pro » dans les catalogues de produits destinés au professionnels justement..
Je me suis pas mal égaré en HS mais c’était pour le coup de gueule.
Un professionnel est déclaré comme tel. Il paie des charges et des impôts. C’est tout. On trouve de mauvais professionnels comme d’excellents amateurs. Et inversement.
Le stylo s’est démocratisé, tout le monde en possède un ; le traitement de texte s’est démocratisé, presque tout le monde en possède un. Tout le monde est-il écrivain ?
Ce qui distingue un photographe avancé d’un professionnel ? Le premier, qui n’a pas l’audace de s’engager dans cette profession (on se demande bien pourquoi s’il a tant confiance dans son talent hein ?), est capable de produire des photos gratuitement ou quasi gratuitement pour sa gloriole et ainsi affamer le professionnel (bon ou mauvais comme dans toutes les professions) qui essaie de gagner sa croûte…
Excellent article !
Merci ! 🙂