Dans une vidéo étonnante récemment partagée par la National Geographic, nous avons un aperçu de ce qu’il faut aux photographes de la nature comme Joshua Holko pour documenter les ours polaires dans leur habitat naturel. Être un photographe de nature implique souvent de travailler dans des endroits éloignés dans des conditions les plus difficiles. La National Geographic nous donne une idée dans cette vidéo intitulée « Ghosts of the Arctic », de ce à quoi peut ressembler le travail d’un photographe dans cette région de notre planète.
Joshua nous explique que le froid est sa maison, et nous le croyons en le voyant marché dans les températures extrêmes de Svalbard. Pour saisir ses histoires, il doit braver les conditions de l’archipel arctique et être au bon endroit au bon moment. « Pour me connecter avec mes sujets, j’ai besoin de me plonger complètement dans leur habitat naturel », explique-t-il, ce qui n’est pas simple étant donnée la nature sauvage et impitoyable de ses sujets. Il vient dans l’Arctique pendant l’hiver, quand les températures peuvent descendre jusqu’à -40 ° C.
Il suit leurs traces au milieu de l’étendue blanche de neige et de glace, jusqu’à ce que finalement, après trois jours de recherche, Joshua aperçoive un ours rare et une femelle, et nous le voyons prendre ses photos. Rien ne se trouve entre lui et ces animaux pour le protéger car cela pourrait nuire à la spontanéité des ours. En tant que photographe de la nature, des moments comme ceux-ci sont ce pour quoi il vit.
Une interview avec Joshua Holko
Lors du PhotoPlus 2016 à New York, Digital Trends s’est entretenu avec Joshua Holko, Lauréat du prix du photographe de l’année dans l’Arctique 2015, et lui a parlé de la façon dont il a photographié les ours polaires dans l’Arctique et les pingouins, des effets du réchauffement climatique et de ses méthodes. Holko organise des ateliers de photographie et des expéditions dans les régions les plus sauvages et les plus reculées de l’Arctique et de l’Antarctique.
Digital Trends : Comment vous est venu l’idée de photographier ces régions de notre planète ?
Joshua Holko : J’ai toujours été attiré par les régions polaires du monde et je pense qu’il était naturel de graviter autour de la faune remarquable qui survit dans un environnement aussi rude dans ces régions du monde.
L’ours polaire [au nord] est le plus grand prédateur terrestre de la planète et peut peser plus de 600 Kg. C’est un animal incroyablement puissant, beau et photogénique. Il y a quelque chose dans sa capacité à survivre dans certaines des régions les plus froides et les plus inhospitalières de la planète que je trouve très attirantes, et cela me parle vraiment à un niveau émotionnel très profond.
J’apprécie le frisson de la chasse pour trouver ces mammifères en voie de disparition et ensuite pour essayer de les photographier dans le contexte de leur environnement. Le simple fait de trouver des ours polaires sauvages à des milliers de kilomètres de la banquise, représente un véritable défi. Les voir survivre sur la banquise est vraiment une expérience incroyable et pouvoir photographier et documenter leur vie est un vrai plaisir et un privilège.
Je trouve également que l’environnement arctique est d’une splendeur et d’une beauté inédite. J’aime la nature souvent monochromatique du paysage qui est souvent en noir et blanc. J’aime aussi les nombreuses nuances de bleu, d’aqua et de turquoise que l’on retrouve dans la glace et la neige. C’est un paysage et un environnement en constante évolution qui offre de superbes opportunités pour la
photographie de la nature.
Digital Trends : Les ours polaires sont probablement l’un des mammifères les plus dangereux à photographier. Comment obtenez-vous les photos dont vous avez besoin tout en restant en sécurité ?
Joshua Holko : Le problème avec les ours polaires et les humains se manifeste quand vous perdez le respect pour cet animal puissant. Ils peuvent courir une centaine de mètres sur de la glace en sept secondes, alors vous devez être extrêmement vigilant et prudent lorsque vous vous décidez de photographier un ours sur la glace. Il faut avoir du respect pour cet animal puissant et toujours maintenir une distance sécuritaire.
J’essaie de faire beaucoup de mes photographies d’ours polaires à partir d’un bateau et d’un zodiac (petit bateau en caoutchouc), car cela maintient une barrière entre l’ours et moi en tout temps. Les ours polaires sont, au mieux, imprévisibles, il est donc très important de ne jamais vous placer dans une position où l’ours pourrait potentiellement vous atteindre. La sécurité est la préoccupation numéro un et dépasse toutes autres préoccupations.
Digital Trends : Avez-vous déjà eu des rencontres très rapprochés ?
Joshua Holko : Je suis très prudent lorsque je photographie des ours polaires, pour ne pas me mettre en danger ou de blesser quelqu’un. Il s’agit en fait de protéger l’ours plus que toute autre chose. Les ours polaires font ce qu’ils ont à faire, et ce n’est que la bêtise humaine qui les pousse à se défendre. La clé est de ne pas vous mettre dans une position où l’ours devient une véritable menace pour vous. Garder une distance respectueuse est la clé et toujours avoir suffisamment de distance entre vous et l’ours si celui-ci décide de charger ou devient agressif de quelque façon que ce soit.
Digital Trends : Quelles optiques utilisez-vous habituellement pour vous rapprocher ?
Joshua Holko : Habituellement, lorsque je photographie des ours polaires, je travaille avec des optiques longues, comme un 600mm, à cause du danger que représente le fait de s’approcher trop près d’eux. Si je travaille à partir d’une motoneige où sur la glace avec l’ours, j’utiliserai probablement aussi un téléconvertisseur 1.4x afin de garder une distance très respectueuse avec l’ours et de m’éloigner facilement si nécessaire.
Lorsque je photographie depuis un vaisseau ou un zodiaque, j’ai plus de distance avec l’ours, il devient alors incapable de m’atteindre, mais j’aime également travailler avec des optiques plus larges. J’ai fait des images d’ours polaires à partir de navires et d’un zodiac avec des optiques aussi larges que 24mm. Bien sûr, tout dépend de l’ours dans ce cas et à quel point il accepte de venir plus près de vous. Je ne chasse jamais la faune, donc la faune doit décider de venir à moi. Je n’utilise jamais d’appât, car je suis intéressé par la capture des comportements naturels. Par conséquent, je dois passer beaucoup de temps sur le terrain.
Digital Trends : Quel appareil photo utilisez-vous et pourquoi ?
Joshua Holko : Je photographie avec des appareils photo Canon depuis toute ma vie et aujourd’hui, j’utilise exclusivement une paire d’appareils photo Canon EOS-1D X Mark II et un EOS 5DS R.
Je photographie principalement avec les boîtiers de la série 1D pour leur qualité de construction incroyablement et leur robustesse. Ces appareils sont quasiment à l’épreuve des balles. J’en ai tellement gelés dans les conditions hivernales de l’Arctique que tous les boutons étaient littéralement gelés; pourtant, ils continuent de fonctionner et de faire de superbes photos.
J’en ai largué un d’un hélicoptère en Nouvelle-Zélande alors que j’arrivais sur un glacier. Il a rebondi sur la glace, nous avons atterri, nous l’avons ramassé, nous avons posé un objectif et il a continué de fonctionner. Essayez de le faire cela avec n’importe quel autre appareil photo et vous comprendrez ce que signifie robustesse. La fiabilité est incroyablement importante pour moi. Mes boîtiers sont des outils et juste un moyen de capturer des photos et je suis très dur avec mon équipement. Je m’attends à ce qu’il continue à fonctionner même dans les environnements les plus difficiles.
Les appareils photo de la série Canon 1D inspirent énormément de confiance lorsque vous travaillez dans des conditions difficiles. Je les ai fait tremper dans un jet d’eau à plusieurs reprises et je n’ai jamais eu d’échec. C’est très important car cela signifie que je peux me concentrer sur la prise de vue sans m’inquiéter de savoir si mon appareil photo va tomber en panne ou s’il continuera à fonctionner. J’aime me concentrer sur la créativité et devoir être un technicien, et pour cela, je dois reconnaitre, que ces appareils sont extrêmement bien faits.
Digital Trends : Comment vous préparez-vous à prendre vos photos dans ces conditions extrêmes ?
Joshua Holko : S’aventurer dans l’Arctique pour photographier la faune et les paysages demande vraiment de la réflexion et de la préparation. Il est très important d’être habillé de façon appropriée et d’être préparé aux intempéries. En hiver, les températures peuvent descendre bien en dessous de -30 degrés Celsius, ce qui peut très rapidement mettre votre vie en danger.
Se doté d’un bon vêtement est essentiel, tout comme le port d’une station de radiobalise de localisation d’urgence (EPIRS) basée sur le GPS et ayant une connaissance locale de la région et des guides locaux. Cela revient vraiment à la préparation. Être bien préparé est la clé pour être en mesure de faire de superbes photos dans des conditions extrêmes.
Digital Trends : Quels sont les plus grands défis ?
Joshua Holko : Le défi de photographier les ours polaires dans l’Arctique varie selon la saison. Juste les trouver peut être vraiment difficile et cela peut prendre des jours. Vous devez donc être prêt à passer de longues heures avec des jumelles sur la glace. En tant que maîtres du camouflage, vous devez aussi savoir quoi chercher, car un ours polaire endormi peut être pratiquement invisible sur la neige.
Bien sûr, en hiver, vous avez aussi le défi de faire face au froid extrême. C’est difficile de rester au chaud. Le temps est plus perturbé en hiver et les tempêtes sont plus fréquentes. La glace est une autre variable et change de saison en saison. On ne sait jamais à quoi cela va ressembler tant que vous n’y êtes pas et il faut savoir que l’Arctique vous réserve toujours des surprises.
Digital Trends : Un problème affectant les régions polaires est le réchauffement climatique. À quel point est-ce sérieux ?
Joshua Holko : Je peux vous dire sans équivoque – en tant que que photographe qui a voyagé dans l’Arctique deux fois par année, chaque année depuis dix ans – le réchauffement de la planète est non seulement réel, mais beaucoup plus avancé et beaucoup plus effrayant que n’importe quel politicien peut l’affirmer. Mais les gens n’ont pas conscience de ce qu’ils font subir à la nature et un jour ils le regretteront, non pas comme une punition, mais comme une conséquence inévitable de leurs agissements irresponsables. La nature doit être protégé.
Digital Trends : Pour vous, qu’est-ce qui fait une belle image ?
Joshua Holko : Faire des images puissantes et émotives de la faune arctique exige vraiment que vous vous positionnez à leur niveau pour vous connectez avec votre sujet. Tout comme une photographie de portrait, nous devons créer un lien avec notre sujet et nous devons essayer de capturer et de transmettre une forme d’intimité dans nos photographies. Je passe beaucoup de temps allongé dans la neige pour que je puisse être au niveau des yeux ou plus bas de mon sujet.
Digital Trends : Quels sont les conseils que vous pouvez partager pour toute personne intéressée par une expédition polaire?
Joshua Holko : L’Arctique est un endroit incroyable. C’est un paysage d’une beauté spectaculaire avec une faune merveilleuse. Que ce soit les ours polaires, les macareux, le lièvre arctique, le bœuf musqué, le renne, le renard arctique ou la pléthore d’oiseaux marins de l’Arctique, il y en a pour tous ceux qui s’intéressent à la nature et à la photographie. Vous pouvez faire des photos fabuleuses à peu près à n’importe quel moment de l’année dans l’Arctique.
La clé est d’être préparé et de voyager avec un guide expérimenté. La meilleure façon de faire de superbes photos et de partir avec un petit groupe de photographes dévoués. Ne faites pas confiance aux grands navires touristiques car vous ne pourrez pas vous approcher de la faune ou de descendre assez bas sur le pont pour faire des photos puissantes et intimes.
Connaissez votre appareil photo de manière intime, comme un ami, afin de vous libérer des contraintes d’agir comme si vous étiez un technicien, en devenant vraiment créatif. Nous réalisons les meilleures photographies lorsque nous mémorisons les commandes de nos boîtiers afin de nous permettre de penser à la composition au lieu des réglages de notre appareil.
Au sujet de Joshua Holko
Vivant à Melbourne, en Australie, Joshua Holko est un photographe professionnel primé qui se spécialise dans la photographie polaire. Holko est membre de l’Institut australien des photographes professionnels (AIPP) et un maître de la photographie de l’AIPP. Il a été nommé photographe mondial de l’année 2015 dans l’Arctique. Vous pouvez découvrir son travail en visitant son site internet.
crédit photo : Joshua Holko
2 Responses
C’est un excellent article interview.
Il est clair que la créativité photographique est omniprésente dans le processus de Joshua.
Ce que je trouve très intéressant est ce rapport de communion avec son sujet qu’il évoque pour produire des images puissantes.
La technique photo est bien reléguée à la technique au service de la créativité.
C’est une bonne leçon à retenir d’autant qu’elle provient dune référence mondiale !!
Vincent (https://initiation-photo.com)
En effet, il ne fait pas que de prendre des photos, il veut également créer quelque chose de beau.